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CHRONIQUES DE PILATE.

ADDUCTION DE LA SOURCE FAUCHER

Le lundi 16 février 2015 a vu le début réel et physique des travaux de l’adduction de la source Faucher. Jusque là, nous n’en étions qu’aux palabres, marches diverses le long du parcours théorique des futurs tuyaux, évaluation des difficultés variées que nous réservait le terrain, mais concrètement, rien ne se passait. Les tuyaux avaient été livrés à Pilate le 28 janvier par le camion de William, l’un des deux gros (à tous points de vue) commerçants du coin. Cela donna à William l’occasion de râler au téléphone car il ne s’attendait pas à ce que sa « boîte » soit remplie à ce point par des rouleaux de polyéthylène de divers diamètres. Une « boîte » désigne ici un camion à carrosserie rigide. Comme nous nous étions entendus par téléphone sur le prix, moi étant à Port au Prince et lui quelque part dans sa voiture, il pensait que cette livraison concernait quelques bobines de tuyaux que le chauffeur caserait sur les dizaines de sacs de ciment, riz et multiples cartons de bouteilles, de sachets de pâtes, de boîtes de conserve de l’indispensable « pat tomat » et autres pots jaunes de l’inaltérable beurre « Ti Malice » affilié à toutes les marmites du pays. Mais non. Cette fois-ci, c’est moi qui avait eu raison de la « boîte » qui, une fois chargée des dizaines de rouleaux imbriqués les uns dans les autres et de quelques autres marchandises d’une forme plus rectiligne, ne laissait libre dans son arrière train qu’une place trop insuffisante pour pouvoir en tirer un bénéfice. William râla donc et le tarif fût réévalué en conséquence.

Après quoi, le mercredi matin, il fallût trouver une place quelque part pour loger les mètres cubes de plastique noir, après avoir recruté les hommes vigoureux pour décharger ce qui était imbriqué dans le camion et le réimbriquer dans un réduit totalement malcommode sis dans une partie jamais terminée des sanitaires de la salle paroissiale de l’église du bourg. C’est bos Djhym qui se chargea des diverses phases de l’opération. Bos Djhym étant l’un des maçons et homme à tout faire les plus connus de Pilate et principal dépanneur de l’hôpital l’Espérance.

Ceci étant fait, je sonnai à mon retour de Port au Prince madame Marie Salomon, alias Mangol, Casec de la partie du morne dans lequel le travail était prévu. Une ou un Casec étant dans ces zones reculées et agraires le ou la représentante du gouvernement pour les affaires privées, entretien de la voirie (disons des chemins défoncés par les pluies), sorte de juge de paix pour les divers litiges, et par voie de conséquence mon interlocuteur numéro 1 pour tout ce qui touchait de près ou de loin à cette refonte totale du captage et du réseau de la source Faucher. Le jeudi 5 février, on décoinça un à un les rouleaux pour les remettre aux vaillants bras qui étaient descendus des mornes pour les y monter. Evidemment, les rouleaux les plus gros et les plus pesants étaient ceux qui devaient atterrir le plus haut, 200 et quelques mètres au dessus du bourg après avoir traversé la rivière. Une heure de marche en montée lorsqu’on n’a rien sur le dos ou sur la tête mais un rouleau de polyéthylène de diamètre 63mm nécessite quatre hommes se relayant pour le porter. On entrait de plein pied dans la phase participative bénévole de la population, celle qui demande, afin de l’arracher, le plus de « chita-palé », (réunions), et lors de ceux-ci le plus d’explications et de justifications, afin que des oreilles qui ne veulent pas entendre ce genre de discours signifiant qu’il faudra travailler gratuitement (« pou gran mèsi »), finissent par faire admettre à leurs têtes qu’effectivement, pour obtenir ces tuyaux véhiculant de l’eau jusqu’aux fontaines, il va falloir y aller.

Mais bon, cahin-caha, les rouleaux de tuyaux montèrent. Pas du premier coup jusqu’à leur destination, mais tout de même on commençait à voir que la nécessité d’un effort collectif

avait été admise. Cela représentait pour moi une victoire, la notion de travail gratuit pour un bénéfice partagé par une collectivité étant ici aux antipodes de la pensée habituelle.

Après quoi il fallait entrer dans la phase numéro deux : creuser le canal pour accueillir le système d’adduction, puis le reboucher. Profondeur : trois pieds (90 cm), longueur : plus de six kilomètres en additionnant les diverses branches. Mangol me fit savoir que dès le lundi 9, nous aurions du monde. Car ici, évidemment (peut-être pas pour tout un chacun…) , foin de tracto-pelle, bonne à tout faire des chantiers de terrassement, il faut dans l’ordre : des musculatures en très bon état, des barres à mine (« louchèt ») des pioches (« pikwa » ou « dérapine ») des houes et des pelles, puis des dames qui n’ont rien d’érotique mais qui servent à compacter la terre que l’on doit remettre dans le canal, en évitant de se fracasser les orteils avec. Mon tout doit être additionné d’une motivation sans faille car c’est un travail pénible, même lorsqu’on est né en Haïti, auquel s’ajoutent le soleil lorsqu’il fait beau, la pente inévitable, les racines ou les roches que l’on ne peut pas toujours éviter, et lorsque le temps change : la pluie qui transforme en boue la terre qui colle aux outils, noie les pieds dans un magma glissant et rend chaque pelletée beaucoup plus lourde. Mais ce que Mangol avait promis fut fait : il y avait dès le lundi matin une bonne vingtaine de creuseurs, qui, tout en me disant qu’ils avaient le ventre creux (« grangou »), ce qui pourrait-on dire fait partie d’une tradition bien établie lorsqu’un Haïtien croise un blanc, maniaient les divers outils cités et ne rechignaient pas devant le bout de bois étalon servant à vérifier la profondeur de la fouille. Le travail continua les jours suivants avec l’adjonction des femmes jeunes ou moins jeunes et des enfants majoritairement filles portant sur leurs têtes des cuvettes, bassines et seaux de diverses contenances et montant la partie la plus raide de la pente pour livrer au niveau du captage le sable et le gravier indispensables pour les maçons. Par chance, la semaine précédente le temps avait été sec et donc la route de terre exempte de boue. Par conséquent, j’avais pu faire apporter à coups de petit camion benne des voyages de sable et de gravier jusqu’au premier tiers du chemin, puis grâce à un tout terrain de l’hôpital, une partie des matériaux laissés plus bas jusqu’au tiers suivant, ainsi que du ciment, vingt sacs chez le bokor (officiant vaudou) et vingt autres kaye Mangol.

En fin de compte, le jeudi, un peu plus de cent mètres de fouille attendaient les tuyaux alors que le temps virait de plus en plus au gris. La pluie se mit à tomber dans la nuit sans discontinuer presque jusqu’au matin, heureusement pas trop fort. Le vendredi, je demandai qu’on installe les premiers cent mètres et que l’on rebouche impérativement avant que la pluie ne nous embête trop. Impossible de damer la terre lourde et collante, mais cela pourra attendre le retour du soleil.

A l’exutoire de la source nous avions commencé les travaux sur la boîte de captage, ouvrage datant d’une trentaine d’années et revu grâce au financement venant d’une agence canadienne (CECI) il y a quelques deux ans. Il est toujours délicat de faire du neuf avec du vieux. Ici, nous étions tributaires d’un énorme bloc de béton à la base duquel avait été greffée une avancée munie d’un regard et d’où partaient un gros et un petit tuyau en PVC qui débouchaient d’un mur quelques mètres plus loin et déversaient une eau profuse sur une dalle où les femmes lavaient leur linge et tout un chacun son corps après avoir nettoyé et rempli les récipients destinés à la cuisine et à la boisson. Dans l’état actuel des choses, jusqu’à la moitié du chemin descendant au bourg, c’est ici que viennent s’approvisionner en eau les habitants du morne. Les plus éloignés transportent donc sur leur tête des seaux de vingt litres pendant une demi heure de descente en blocs de roche et terre variablement glissante.

Nous en sommes maintenant au sondage des mystères de cette source, qui en recèle bien quelques uns car plusieurs bouches, toujours invisibles, donnent chacune une partie du débit final, et une autre partie s’écoule du talus en dehors de l’ouvrage. Il faut donc casser quelque peu afin de trouver les origines diverses pour les marier ensemble dans un système plus cohérent et destiné à durer.

La pluie a tombé sans discontinuer depuis hier et nous sommes encore soumis à son bon vouloir qui empêche aujourd’hui de monter et de travailler. Un cyclone doit traîner quelque part et le temps d’aujourd’hui, pluvieux et venteux laisse supposer que nous sommes dans ses franges.

Mais il y a de l’espoir que le beau temps revienne demain.

F.X.R. Pilate, le 21 février 2015

raconter une histoire, et pour vous présenter à vos utilisateurs.

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Bonjour Michel,
               je suis allé voir la source ce matin avec Dieupifor,
mon assistant de Sivol (et bos latrines en chef...) plus deux jeunes
qui ont participé depuis mes débuts à Pilate pour les divers travaux
et que je vais mettre en formation avec ledit Dieupifor.
La source se porte bien et le débit fluctue un peu mais pas dans des
proportions alarmantes. La semaine passée nous avons eu un épisode
pluvieux avec un plafond nuageux épais et bas qui pouvait laisser
supposer la proximité d'un cyclone aux abords de l'île. Nous devions
être dans la frange. Le temps n'est pas au beau fixe, mais cependant
la boue a suffisamment séché pour que nous puissions travailler. J'ai
envoyé les tuyaux depuis Port au Prince en début de semaine dernière
et nous avons procédé à la distribution par zone avant hier. Tout le
monde n'était pas au rendez-vous, bien entendu, mais la plus grande
partie a trouvé preneur. Hier j'ai loué un petit camion benne à
William et il a déposé un voyage de sable et un de gravier au plus
haut qu'il a pu monter, c'est à dire au pied de la première vraie
côte, car ce n'est pas un 4x4. On a profité pour aller benner
également le reste des plus gros tuyaux dans deux zones différentes
qui doivent être traversées par ce modèle (diamètre 63), pour la
distribution des fontaines des 3 branches annexes.
Ce matin, donc, stop kaye Mangol (Madame Salomon, la Casec) à qui j'ai
laissé un tamis gravier et des instructions (indications, consignes,
conseils, avis etc..., ce que tu veux du moment que le travail est
fait). Il faut (serait souhaitable) que des mains expertes autant que
bénévoles aillent passer ce gravier et que des bokits avenants s'en
remplissent et le transportent jusqu'au captage. Idem pour le sable.
Idem pour les 3 rouleaux de tuyau qui eux peuvent s'arrêter dans son
lakou et y faire chita jusqu'à nouvel ordre.
Après quoi, nous sommes montés au captage en quête du débit du jour,
puis nous sommes redescendus en commençant à rechercher au mieux le
chemin possible afin de prévoir plus ou moins l'itinéraire du
piquetage.
Concernant le programme hygiène, j'ai maintenant deux listes, une de 7
personnes pour la zone Jwen et une de dix pour Figuié. Là aussi, les
futurs bénéficiaires ont été avisés de ce qu'ils avaient à faire: 3
bokits de gravier et deux de sable, plus aller se chercher le ciment
(prépayé) et la barre de fer 1/4" chez l'arnaqueur du coin. En
principe, on commence lundi (si Dieu veut). Mes maçons habituels
doivent arriver (des Cahos, Artibonite) mardi. Maintenant que pas mal
de matériel est à pied d'oeuvre, nous allons entrer dans le vif du
sujet et de la motivation réelle des gens.
Pendant la distribution des tuyaux jeudi dernier, une dame est venue
me solliciter; Casec d'une zone dans les morne d'en face (Ballon
gauche) pourvoyeuse de la majorité des cas de choléra. Pas de bonne
source captée et demande en conséquence. Prépare toi pour le prochain
dossier!

Bon, je te laisse à tes grands froids.

François-Xavier

 

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